La Deep Green Bush School: l’école au coeur de la forêt néo-zélandaise

Fermez les yeux un instant et imaginez une école bouleversant nos frontières et repères spatiaux habituels.

Une école sans mur et sans barrière.

Imaginez vous enfant, ce temps premier où l’insouciance et la découverte conditionnent et rythment notre quotidien, cette période éphémère et si particulière de la vie où chaque instant est un terrain de jeu qui se prête à l’exploration, où chaque coin d’herbe, chaque morceau de bois recueilli, chaque arbre gravi provoquent en nous un fourmillement d’histoires et d’aventures incroyables. Qui n’a jamais rêvé enfant d’avoir comme terrain de jeux et de savoirs une immense forêt où passer sa journée ? C’est de cette initiative osée et finalement si simple qu’est née la DEEP GREEN BUSH SCHOOL: une école au cœur de la forêt néo-zélandaise.

 

  • Les fondements : les origines de cette initiative pédagogique ?

Le XXI siècle se tient en témoin des changements et des bouleversements que connaît notre société actuelle. Notre monde connaît un déclin environnemental sans précédent qui nous invite à penser et à vivre autrement les limites de la Terre. Il nous invite à prendre conscience de la responsabilité de nos actes, de leurs impacts autant dans sa dimension universelle que temporelle. On ne peut plus penser uniquement à l’immédiateté de notre vie, mais l’on doit s’acquitter de ce que nous laisserons aux générations futures. Un ancien proverbe indien illustre profondément cette prise de conscience universelle.

« Nous n’héritons pas de la Terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants. »

La Deep Green Bush School est née de ces constats dans la tête de Joey Moncarz.

Originaire de Miami et ayant notamment enseigné durant plus de cinq ans l’anglais et les mathématiques dans les lycées Néo-Zélandais. Cet enseignant s’est retrouvé à bout de souffle face aux rouages du système éducatif Néo-Zélandais et le déclin environnemental dans lequel notre monde était entré.

Il y a deux ans, il a décidé de créer la Deep Green Bush School, une école qui se veut révolutionnaire. Son but est de tendre à faire des enfants « des rêveurs, des guérisseurs, des rebelles, des révolutionnaires dont le monde a besoin. ». Car, les enfants d’aujourd’hui seront les adultes qui modèleront notre société de demain, il souhaite au travers de cette école, éduquer les enfants à penser au pluriel, en étant capables de réfléchir, de s’investir et de construire de par leurs initiatives un monde en bonne santé.

  • Les fondements scientifiques :

Joey Moncarz n’a pas voulu faire de son école une sorte d’établissement expérimental. Tout au contraire, il s’est basé sur divers domaines de recherches scientifiques afin d’aboutir à la création de la Deep Green Bush School:

  • Neurosciences et développement de l’enfant

Les dernières études montrent qu’un enfant est capable d’apprendre seul et naturellement tout ce dont il aura besoin dans sa vie, sans avoir besoin de le forcer ou de le contraindre. Ainsi selon ces neuroscientifiques, la meilleure façon d’apprendre, serait de permettre à l’élève d’entreprendre un engagement actif et volontaire dans ses apprentissages, sans être imposé par l’adulte. Pour aller plus loin, on vous invite à lire les théories de John Holt, Bernard Collot, Alan Thomas, Harriet Pattison, Peter Gray ou encore André Stern.

 

  • Si vous souhaitez, voici une conférence très intéressante de Bernard Collot à ce sujet :

 

Conférence de Bernard Collot

 

  • Anthropologie de l’Education ou l’apprentissage depuis les prémisses de son existence:

Les études en anthropologie montrent qu’à la préhistoire, dans les tribus de chasseur-cueilleurs, les compétences étaient acquises par les enfants de leur propre initiative. Rejoignant ainsi les théories des neurosciences citées plus haut. Ainsi depuis des millénaires, l’enfant apprend par le jeu, l’observation et par mimétisme. Nous vous invitons à lire ou relire l’interview que l’on a eu la chance de mener avec André Tricot qui rejoint ce constat en traitant de ces trois fonctions qui sont inhérentes à tous les mammifères .

 

 

  • Le rapport à la nature : Des études montrent que dans nos sociétés actuelles, on constate un détachement des enfants de la nature. Ainsi, depuis les années 70, les espaces où les enfants peuvent circuler sans surveillance auraient diminués de 90%. En Grande Bretagne, les 11-15 ans passent en moyenne la moitié de leur journée devant leur écran. (Issu d’un rapport publié par National Trust). Or, des chercheurs comme Edith Cobb ont démontré que la nature permettait de développer la créativité, la fantaisie, les jeux de rôle, le raisonnement ou encore l’observation.

De plus, le docteur Aric Sigman explique que sans expérimentation précoce à la nature, les individus ne pourront pas consacrer leur vie à la protéger.

 

  • Voici un article scientifique (en anglais) très intéressant, traitant des méfaits d’une utilisation abusive des écrans et de l’importance et des bienfaits pour l’enfant de se retrouver régulièrement en contact avec la nature : lire l’article

 

  • Les technologies et leurs méfaits: La Deep Green Bush school a fait le choix de n’utiliser aucune technologie moderne et de se couper de toutes ondes wifi. Ce choix s’appuie sur des études qui ont démontré les effets dangereux des ondes sans fil sur les jeunes enfants (Carr 2011). De plus, il a été prouvé qu’une utilisation abusive des écrans altère la concentration, la mémorisation (car étant donné que tout est accessible grâce aux moteurs de recherche on n’accorde moins d’importance à retenir les informations), cela va aussi altérer nos rapports humains et le rapport à la nature car on s’enferme devant nos écrans et on ne communique plus autant avec autrui et on passe moins de temps à l’extérieur.

 

  • Pour ceux qui veulent aller plus loin, voici deux conférences très intéressantes sur le fonctionnement du cerveau et l’impact des écrans ! A vos stylos :

Impact des écrans dans la vie des jeunes

Quel est l’impact des écrans sur les enfants?

 

  • La Deep Green Bush School et son fonctionnement :

La Deep Green Bush School a pour ambition d’éduquer les enfants à construire un monde en bonne santé où la justice prévaut, et où l’on prend conscience de l’impact de nos actions pour les générations futures. L’idée est de pouvoir permettre aux enfants de recréer le lien avec la nature que notre société actuelle semble avoir perdue.

Son fonctionnement se base sur le modèle de écoles démocratiques de Sudbury qui supposent que les humains sont génétiquement prédisposés à apprendre ce qu’ils observent autour d’eux et qu’ils considèrent comme étant culturellement attractif. Ainsi, chaque enfant est pris en compte dans l’entité individuelle qui le constitue. L’école part du principe qu’il n’y a pas un élève pareil et que nous ne sommes pas tous disposés et prêts à apprendre, lire, écrire ou compter au même moment, ni au même âge. Toute forme d’imposition d’apprentissage face à des individus qui ne sont pas prêts, aura un impact sur leur développement naturel et pourrait causer des dommages comme des troubles d’apprentissage.

  • Une journée à la Deep Green Bush School concrètement ça ressemble à quoi ?

Les élèves poussent le « portail » de l’école à 9h le matin et se retrouvent immédiatement plongés au cœur de plusieurs hectares de forêt. A leur disposition ni classe, ni tableau noir, mais autour d’eux :

  • Un poulailler
  • Un enclos à canards
  • Un potager
  • Un atelier de menuiserie
  • Une immense tonnelle sous laquelle on trouve des tables en bois
  • Une yourte dans laquelle on peut trouver entre autre : des instruments de musique, du matériel d’arts plastique, des livres de littératures, scolaires, et sur l’environnement et ses enjeux.

Chaque journée débute par un « cercle de paroles », ce rituel permet de parler des sujets du quotidien, de lire des histoires, débattre sur l’actualité, proposer des activités ou de nouvelles règles de fonctionnement.

Puis, les élèves sont libres de vaquer à l’occupation qu’ils souhaitent, que celle-ci soit récréative ou scolaire et ce tout au long de la journée. Ainsi, si ils souhaitent explorer et jouer dans la forêt toute la journée, ils le peuvent. Il pourront aussi par exemple, s’alimenter et cuisiner quand et autant de fois qu’ils le veulent. C’est le principe des écoles démocratiques de type Sudbury. Les adultes sont là pour veiller à la sécurité des élèves, pour les aider et leur apporter tous les savoirs nécessaires lorsqu’ils en émettent le souhait. Comme dans beaucoup d’écoles néo-zélandaises, l’école se termine à 15h, à la seule différence qu’ici les élèves repartent sans devoirs à la maison.

  • Les point clés de la pédagogie mise en place dans la Deep Green Bush School:

Il est impossible de résumer en quelques points la pédagogie mise en place dans la Deep Green Bush, mais voici ci-dessous les principaux points qui constituent son entité.

  • « Groupe d’âge mixtes » : A la Deep Green Bush School, les enfants de 5 à 15 ans évoluent quotidiennement ensemble. Le principe est de pouvoir permettre aux plus jeunes d’avoir des modèles à suivre, tout en donnant l’occasion aux plus grands de pouvoir être des référents et des tuteurs d’apprentissages pour les plus jeunes. Cela permet ainsi d’apprendre à prendre des responsabilités, à gagner en maturité tout en développant son empathie et sa bienveillance.
  • « La liberté de jouer »: Grâce au jeu libre, les enfants vont entre autre apprendre à prendre leurs propres décisions, à résoudre leurs problèmes, à créer et respecter des règles, à s’entendre avec les autres. Dans les jeux vigoureux, ils vont apprendre à contrôler leur corps et leur peur. Dans les  jeux sociaux, ils vont apprendre à négocier avec les autres, à moduler et surmonter leur colère. Le jeu a été utilisé depuis la nuit de temps pour apprendre, cela fait partie des fondements de l’homme. Vous pourrez retrouver ces constats dans l’entretien que l’on avait mené avec André Tricot.
  • « Motivation des enfants»: Lorsque l’enfant montre de l’intérêt pour un apprentissage ou pour un sujet quelquonque celui-ci sera soutenu et enrichi par les enseignants autour de lui.
  • « Tutorat en douceur des adultes» : Les enseignants ne diront jamais à un enfant ce qu’il doit faire. Par contre, ils se serviront des connaissances qu’ils ont établies sur lui, pour lui transmettre et construire avec lui une compétence sans agir de manière coercitive.
  • « Immersion dans la nature » pour permettre un développement sain des enfants, tout en leur permettant de développer leur créativité, la prise de risques et de créer entre autre un lien fort avec la nature qui l’entoure pour lui apprendre à la respecter et la protéger.

  • « Discussions, conversations, et histoires informelles »: Lorsqu’un enfant se sent en sécurité dans un environnement, il va naturellement entreprendre des discussions avec l’adulte sur la découverte du monde qui l’entoure et ainsi apprendre énormément de ces discussions non normées.
  • « Un accès permanant et illimité à des livres scolaires et ouvrages de littérature » afin qu’ils puissent approfondir leurs connaissances et culture personnelle.
  • « Immersion dans la collectivité » : L’école organise régulièrement des sorties dans les parcs et espaces publics. De même, des adultes sont régulièrement invités à l’école pour partager leurs connaissances et savoirs. Les parents désireux de participer ou de simplement venir observer la vie dans l’école sont aussi les bienvenus. Ainsi, l’école ne souhaite pas s’enfermer dans une bulle privée éloignée de toute connexion du monde qui l’entoure. La vie à l’extérieur doit se vivre autant en étant en contact avec la nature, qu’avec la vie urbaine et les collectivités qui la constituent.
  • « Prise de décisions démocratiques » : La journée débute toujours par un « cercle de paroles » où les élèves vont pouvoir débattre de manière démocratique de questions pertinentes, établir les règles et les prises de décisions concernant les activités.
  • « Développement de l’empathie et de la bienveillance »: Au travers de leurs échanges et de la vie en collectivité, les élèves sont initiés à des valeurs d’empathie et de bienveillance afin qu’ils puissent prêter attention à chaque membre de la communauté qu’ils constituent.
  • « La liberté de participer » : Tout comme la liberté de jouer, les élèves s’impliquent dans les activités qu’ils ont choisies sans subir de pression. Les enseignants sont là pour proposer des activités ludiques ou suggérer des apprentissages scolaires. Mais l’enfant garde toujours le choix d’y prendre part ou non.
  • « Absence d’évaluation, de classe, ou de travail à la maison » : Les évaluations créent du stress chez les élèves, c’est pourquoi les évaluations sont exclues de la Deep Green Bush School. Cependant, si les élèves émettent le désir d’être évalué, les enseignants seront là pour l’aider à l’encourager et le guider dans cette démarche.

 

  • Notre ruche d’inspirations:

Une telle école vous le comprendrez est atypique et possède sa propre entité ne permettant pas d’appliquer de manière similaire les pratiques pédagogiques observées au sein de nos classes. Cependant, elle nous fait réfléchir, et nous questionne et comme toute structure éducative différente, elle nous pousse à faire évoluer notre pratique. Ainsi, voici ce que l’on en retire pour nos classes en France :

  • Une éducation à la nature et à l’environnement :
    • Profiter de chaque occasion pour permettre aux élèves de vivre plus près de la nature.
    • Réaliser des sorties libres et régulières au sein de parcs et forêts que l’on peut avoir aux alentours afin de renouer le lien précieux avec la nature.
    • Penser son emploi du temps autrement en y intégrant un temps officiel chaque semaine où la classe se déplace hors des murs de l’école pour vivre la classe autrement. Profiter de ce temps pour travailler différents domaines d’apprentissages : la découverte du monde, travailler les mesures, l’espace, des récitations de poésies, des temps d’écriture libres, des séances d’arts plastiques, d’EPS…le champ des possibles qui s’offrent à nous lorsqu’on prend le temps de le repenser semble aussi riche que varié.
    • Récolte d’éléments naturels aux diverses saisons de l’année.
    • Etudes de croissance de plantes qui nous entourent.
    • La création de potagers.
    • L’organisation de temps de débats sur les enjeux environnementaux qui traversent notre société.
    • La création d’une bibliothèque traitant de l’environnement
    • Ateliers créatifs utilisant des éléments naturels et des outils de construction telles des scies et marteaux, après avoir fait passé un « certificat d’utilisation » aux enfants.

Tant de possibilités riches et variées qu’il est important de décliner non ponctuellement durant l’année mais de manière continue afin que cela ait un réel impact sur les élèves.

Voici quelques vidéos de pratiques inspirantes:

Philippe Nicolas – Pédagogie en pleine nature

Voici une vidéo d’une enseignante Belge qui sort chaque semaine en forêt avec ses maternelles :

👩‍🏫🌺🌞 Et si l'école ça se passait dehors ?Immersion dans les classes de 3e maternelle de Madame Magali et Madame Fabienne, qui n'ont pas peur d'appliquer une tout autre pédagogie! Regardez!

Publiée par Une éducation presque parfaite sur Mercredi 20 mars 2019

 

  • Une éducation et prévention aux usages du numérique :

Le numérique est présent tout autour de nous, autant dans la sphère privée que dans la structure scolaire. Ce sont pour ces raisons que nous ne sommes pas pour une exclusion de son usage dans nos pratiques. Mais il semble nécessaire de continuer à informer parents et enfants sur les dangers divers que sa pratique peut occasionner autant sur l’utilisation des réseaux sociaux, sur la sélection de l’information, mais aussi sur ce que l’on a tendance à oublier encore aujourd’hui, l’impact sur notre santé lors des usages abusifs ou lors des expositions aux réseaux sans fil. De nombreux sites et idées d’activités existent déjà, on vous dévoile les plus connus :

 

  • Un fonctionnement de type démocratique

Le fonctionnement de type démocratique permet aux élèves de s’engager dans des prises de décisions et tout en prenant en compte la notion de respect de collectivité. Au cœur de nos classes beaucoup de choses sont possibles dans ce sens là. On vous invite notamment à vous rapprocher de la pédagogie Freinet (voir le lien) à ce sujet pour tenter de mettre en place si ce n’est pas déjà fait :

 

Si cette école vous a charmé, voici l’adresse du site Internet de l’école pour en connaitre plus à son sujet :

La Deep Green Bush School

 et ci-dessous quelques vidéos de son fonctionnement. N’hésitez pas à commenter et donner votre avis sur notre article.

https://www.nzherald.co.nz/education/news/article.cfm?c_id=35&objectid=11944529

https://www.tvnz.co.nz/one-news/new-zealand/alternative-bush-school-encourages-use-knives-in-preparation-future?variant=tb_v_2

* Les photos utilisées dans cet article sont tirées du site deepgreenbushschool

L’article a été rédigé par Coralie Delcol, professeur des écoles et membre du bureau de l’association IMAGO

Comments

  1. J’ai lu, c’est passionnant ! Bravo pour ce reportage complet ! Et pour l’analyse que vous en avez fait !
    Ça nous rappelle nos jeunes années lorsque l’école n’avait pas peur de sortir et de Faire découvrir la nature aux enfants.

  2. […] chez ses élèves un lien avec l’environnement et une conscience écologique.  Tout comme la Deep Green Bush School visitée en Nouvelle Zélande, ils se basent sur les recherches montrant les bénéfices d’une […]

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