PATEA AREA SCHOOL: l’école où chacun compte

Patea Area School est une structure scolaire accueillant des élèves de la maternelle au lycée. Elle est située sur la côte ouest de l’île du nord de la Nouvelle-Zélande au sein de la ville de Patea. L’école accueille principalement des élèves issus de familles à très faibles revenus, dont certains vivant même en-dessous du seuil de pauvreté.

Il y a quelques années, cette école avait des résultats alarmants qui avaient alertés le ministère de l’éducation. Sous l’impulsion de Madame la principale Nicola Ngarewa et le travail de l’équipe enseignante, l’école s’est métamorphosée. Grâce à la force de leur projet, le Ministère de l’Education Nationale Néo-Zélandaise a aidé financièrement à l’impulsion de ces nombreux changements et continue de leur délivrer des subventions.

En deux ans, grâce à sa métamorphose, l’école a doublé ses effectifs, augmenté son taux de présence de 15% et obtenu un taux de réussite de 100% à l’examen NCEA (équivalent du BAC en France).

  • Patea Area School et son fonctionnement : les  éléments clés de sa métamorphose

La première idée a été de repenser le fonctionnement en plaçant l’élève au cœur des apprentissages. Tout a été pensé et prévu dans ce sens. L’équipe enseignante a veillé à ce que chacun trouve sa place au sein de l’école autant les élèves que les enseignants et le personnel de direction.

En début de matinée, lorsque nous rentrons dans la salle des professeurs, nous ressentons de l’apaisement, de la joie, de la bonne humeur ; des élèves circulant dans le couloir s’arrêtent pour saluer les professeurs et discuter avec eux. Il fait bon vivre dans cette ambiance scolaire. Tout le monde est détendu et souriant.

Nous avons sélectionné trois éléments qui sont, d’après nous, les clés de cette école et de sa métamorphose :

  • La pédagogie : placer l’élève au centre des apprentissages
  • L’aménagement de l’espace
  • L’usage du numérique
1.Que signifie placer l’élève au centre des apprentissages pour Patea?

Constitution des classes

Patea Area School est une école dont la structure est similaire à une école ordinaire française. Cependant, lors de la grande révolution de l’école, les effectifs ont été pensés différemment car le nombre d’élèves dans chaque classe était important (une trentaine d’élèves). Ainsi, l’équipe enseignante a fait le choix de dédoubler chaque classe afin d’en réduire les effectifs à 15 élèves et de permettre de meilleures conditions d’apprentissage.

Individualisation des parcours

La deuxième particularité est de faire de l’individualisation des parcours un des fondements de cette structure éducative. En effet, l’équipe enseignante a mis au point un fonctionnement permettant aux élèves de changer de groupe-classe selon leur niveau.  Par exemple lorsqu’un élève a des difficultés en mathématiques il se rend dans la classe « coup de pouce » durant l’heure de mathématiques. Chacun sait où il doit se rendre et les groupes varient selon les matières. Cela permet à chaque élève de progresser en travaillant selon son rythme d’apprentissage. Il s’agit donc de créer de la différenciation pédagogique à l’échelle de l’école.

Interactions entre pairs
Les interactions entre pairs font partie intégrante de cette pédagogie. Il n’y a pas de silence en classe. Les élèves travaillent ensemble tandis que l’enseignant veille à ce que chacun ait les clés nécessaires pour travailler. Durant ce temps, il observe beaucoup les élèves et leur façon de travailler. C’est son moyen de les « évaluer ».

 « Nous ne sommes pas à l’usine »

Nous avons remarqué qu’il n’y a pas de sonnerie pour indiquer le début et la fin des de la classe. Une enseignante nous explique : « Nous ne sommes pas à l’usine ! ». Les élèves repèrent donc lorsque les enseignants chargés de la surveillance font signe qu’il est temps de rentrer. A chaque récréation un rituel est mis en place : le rituel des gardiens du temps. Des élèves ont le rôle de gardien du temps et doivent repérer les élèves qui n’ont pas vu qu’il était temps de rentrer pour leur faire signe que la classe va reprendre. Etre élève à Patea Area School, signifie donc, notamment, d’avoir des responsabilités, être autonome et libre. L’élève est au centre de chaque apprentissage.

2. En quoi l’aménagement de l’espace est-il important à Patea ?

Il se base sur le concept de la classe flexible. Chaque classe est composée de tables aux formes atypiques et ergonomiques pour faciliter le travail en groupe, et d’assises variées telles que : des poufs, des chaises confortables, des canapés…

Le mobilier est facile à déplacer (roulettes sous les poufs et canapés notamment) et l’espace classe se retrouve donc modulable. A plusieurs reprises nous avons vu les élèves déplacer les tables et les chaises rapidement pour :

  • Travailler ensemble
  • Libérer de l’espace pour se tenir debout tous ensemble au sein de la classe (apprentissage des pas de danse et paroles d’un chant maori)
  • Laisser seulement les chaises en vue d’un rituel maori pour le retour d’un professeur revenu d’un voyage scolaire.
  • Changer d’assise
  • Changer de lieux de travail au sein de la classe

En conclusion, les élèves circulent et modulent la classe en fonction de leur envie et de leurs besoins.

 

 

 

 

 

 

 

 

Classes flexibles et progrès des élèves

Une étude scientifique menée par le professeur Peter Barrett, Dr Yufan Zhang, Dr Fay Davies et Dr Lucinda Barrett de l’Université de Salford (Royaume-Uni) présente une preuve de l’effet de la conception physique des classes et des écoles sur les résultats des apprentissages par les élèves (HEAD, Holistic Evidence and Design ; février 2015). Cette étude s’appuie sur les résultats de 3766 élèves venus de 27 écoles primaires et 153 salles de classe. Les chercheurs ont conclu que l’aménagement de l’espace et sa flexibilité conduisent à une augmentation de 16% des progrès de l’élève (lecture, écriture, mathématiques).

Les progrès se ressentent aussi dans la communication, la créativité, la résolution de problèmes et la collaboration.

Adapter sa pédagogie aux besoins des élèves

Plus il est simple de modifier la configuration de la classe par l’enseignant, plus il va pouvoir adapter sa pédagogie aux besoins des élèves. En effet, les salles flexibles ont un réel impact positif uniquement lorsqu’elles sont accompagnées par un changement de pédagogie.

Les chercheurs de l’Université de Salford ont remarqué un effet extrêmement positif sur l’apprentissage des mathématiques : 73% des progrès des élèves se sont avérés étroitement liés à la flexibilité et au sentiment d’appropriation de la classe par les apprenants. L’équipe a émis l’hypothèse suivante : les sujets susceptibles de provoquer des anxiétés scolaires sont mieux appréhendés dans des classes confortables et familières aux élèves.

Bouger plus

De manière générale, les élèves en classe restent assis environ 8h00 par jour.

Plusieurs études dont celles de Reynolds et du Dr Manus établissent qu’il y a clairement une corrélation entre les périodes d’inactivités prolongées et les risques liés à la sédentarité (diabète ; maladies cardio vasculaires). La recherche montre que ces périodes d’inactivité commencent dès l’âge de 8 ans, lorsque l’école ; les devoirs et les technologies commencent à prendre une place importante dans leur vie.

A Patea Area School, les élèves peuvent se déplacer au sein de la classe (ils n’ont pas de place attitrée) et à l’extérieur de la salle pour aller boire ou aller aux toilettes. Pour cela il leur suffit d’utiliser le code de déplacement : faire un T avec les mains pour indiquer qu’ils vont aux toilettes et un D pour indiquer qu’ils vont boire (Drink) en direction de l’enseignant. Ainsi le déroulement de la classe n’est pas perturbé. Cette liberté, néanmoins cadrée, permet l’amélioration de la concentration et de l’humeur des élèves tout en contrant les effets négatifs de l’inactivité physique.

Quelques sources…

Maria Montessori en 1912 disait « When chairs were used, children were not disciplined, but annihilated »

La clinique Mayo à Rochester a mené une étude auprès de 300 écoliers pendant toute une année scolaire. L’étude montre que les déplacements pendant la classe et l’utilisation d’une variabilité de postures augmentent la capacité d’attention des écoliers.

Le British Medical Journal a publié en 2009 une étude du Dr Len Kravitz : « les adultes, et plus encore les enfants, doivent éviter une trop longue position assise. Si nous ne bougeons pas suffisamment durant la journée, des changements s’opèrent dans notre organisme et nous nous augmentons nos risques de prédisposition à la maladie ».

3.Comment Patea intègre les nouvelles technologies ?

Chaque salle de classe dispose de tablettes et d’ordinateurs portables.

En maternelle ils peuvent utiliser des tablettes lors de temps en autonomie de 10 minutes. Cela leur permet par exemple (photo ci-dessous) d’écouter le livre qu’ils viennent de découvrir en groupe classe.

En élémentaire, nous avons observé un temps de classe durant lequel l’enseignant a proposé une tâche en sciences à réaliser avec un ordinateur. Durant ce temps là, les élèves se sont installés au sein de la salle en choisissant leur place. Chaque projet était individuel et pourtant les élèves pouvaient s’entraider et demander de l’aide auprès de l’enseignant. Ce même enseignant considère qu’une ambiance de classe agréable permet un meilleur investissement de la part des élèves. Il a donc mis de la musique en fond sonore avant de faire le tour de la salle et venir en aide à ceux qui en avaient besoin.

Les travaux sont envoyés en temps réel sur Google Drive au professeur afin de permettre un meilleur suivi.

Il s’agit d’un exemple de classe observée, nous en avons observé d’autres en mathématiques notamment.

L’usage du numérique est quotidien à Patea Are School et permet de servir différentes tâches (mathématiques, anglais, sciences, …). Chaque travail effectué sur un ordinateur ou une tablette est envoyé au professeur. Cela s’approche de l’utilisation de l’ENT (Environnement Numérique de Travail) en collèges et lycées en France.

Ce que nous disent les enseignants de ce fonctionnement :

« Les élèves participent plus en classe. Ils sont plus heureux et engagés. Ils sont plus autonomes. »

Ce que nous disent les élèves de ce fonctionnement :

« Nous pouvons échanger avec nos camarades dans la classe. L’ambiance est bonne. Nous sommes libres. »

Au vue de l’utilisation intense du numérique au sein de cette école, nous nous sommes interrogées sur l’usage du numérique dans sa globalité.

Le numérique : y a-t-il des risques ?

De nombreux constats sont alarmants concernant l’usage du numérique.

Un rapport de l’OCDE indique que plus un jeune utilise les nouvelles technologies à l’école moins bons sont ses résultats. En effet il ne suffit pas de penser uniquement aux équipements, il faut également et surtout considérer les finalités pédagogiques de l’usage des technologies en contexte scolaire.

Il s’agit donc de penser l’usage du numérique en s’interrogeant sur comment les technologies peuvent permettre de favoriser l’enseignement et les apprentissages.

Alors comment ?

La place de l’outil : Selon André Tricot : pour qu’un outil numérique trouve sa place dans une classe, il faut que cet outil soit utile, facile à utiliser, perçu comme utile et acceptable (intention d’usage, l’outil doit être compatible avec les différentes contraintes de la salle de classe).

Voir la conférence

Portrait de André Tricot

« Les outils numériques trouvent leur place, dans une claire conscience de leurs possibles et leurs limites » Jean-Luc Berthier

Le rôle de l’enseignant : est primordial dans l’usage du numérique. Tricot préconise de faire entrer le numérique par les fonctions pédagogiques notamment afin de les utiliser au mieux. Une récente étude montre qu’il est important que l’enseignant développe les compétences nécessaires lui permettant de mieux enseigner avec les technologies. (learning in One-to-One Laptot Environments : A Meta-Analysis and Research Synthesis)

Quelques sources…

André Tricot : le numérique requiert de nouvelles compétences pour les élèves et les enseignants.

Jean-Luc Berthier (conférence : cognition de l’apprenant : quelle place pour le numérique ?) évoque qu’avec le numérique le métier d’enseignant change, la posture de l’enseignant est remis en question.

Pour Thierry Karsenti, titulaire de la chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication en éducation, si l’on souhaite que les technologies puissent contribuer à la motivation et à l’apprentissage des élèves, le rôle de l’enseignant n’aura jamais été aussi important. L’enseignant doit notamment accompagner les élèves dans l’usage positif du numérique. (lire l’article complet)

Ce que nous retenons

Le numérique est un outil et comme pour tout outil, il faut apprendre à l’utiliser avant de pouvoir s’en servir et il n’est pas nécessaire de s’en servir s’il n’est pas utile pour la tache à effectuer. Prenons l’exemple d’une tronçonneuse. C’est un outil qui facilite la coupe des arbres et qui est utile pour cette tache. Nous devons apprendre à nous en servir avant de pouvoir l’utiliser et nous ne l’utilisons pas pour n’importe quelle tache. En effet rien ne sert de l’utiliser pour la taille des rosiers ou la tonte de la pelouse par exemple. Il en est de même avec le numérique. Il est important de s’assurer que son usage pédagogique participe réellement à la favorisation des apprentissages par l’élève.

  • Notre ruche d’inspirations

Selon nos observations et nos recherches nous avons eu quelques idées pour nos classes en France. Il s’agit d’inspirations qui nous semblent possibles de mettre en place en classe. Certaines sont d’ailleurs déjà utilisées par la communauté enseignante.

  • Modifier son espace classe :

Les classes flexibles ne suivent pas de règles strictes. L’aménagement va dépendre de la superficie de la salle, le nombre des élèves, leur âge…

Un seul aspect est incontournable : la largeur des passages entre les différents espaces doit être suffisante pour que la circulation des élèves soit fluide.

Voici une courte vidéo qui pourrait vous donner des idées : Voir la vidéo

  • Ouvrir sa classe :

Les chercheurs de l’Université de Salford ont aussi fait des analyses de la qualité de l’air en classe. L’excès de CO2 généré par la respiration humaine a un effet direct sur la capacité de réflexion des élèves. D’où l’importance de travailler dans une salle de classe aérée. Etant donné que la température et le bruit ne permettent pas toujours d’ouvrir les fenêtres ; l’ouverture de la porte qui donne sur le couloir semble être une alternative pour que les élèves respirent.

  • Bouger :

La liberté de mouvement est un facteur de facilitation des apprentissages. Pourquoi ne pas intégrer des moments de respiration, d’étirement au sein de la journée ? Ainsi l’élève se recentre et se trouve dans des conditions favorables pour apprendre. Nous conseillons :

Les pauses actives (Bouger pour mieux apprendre) : Lire l’article

Le mouvement pendant l’enseignement :Lire l’article

L’apprentissage en mouvement pour que «l’école bouge » : Lire l’article

Notre site coup de cœur : Voir le site

Il permet d’accéder à différents types de pause : stimulantes ou relaxantes. De plus, il propose aussi des exercices pour les apprentissages en mouvement.

  • Différencier à grande échelle :

La différenciation pédagogique est déjà bien utilisée par les professeurs en classe aujourd’hui. Nous proposons de retenir l’idée de la différenciation à l’échelle de l’établissement au sein d’un même cycle notamment pour les écoles élémentaires puisque le principe de l’Accompagnement Personnalisé en collège et lycée existe déjà. Cependant de nouvelles expérimentations sont en cours concernant le fait d’être regroupé par niveau au sein d’un collège et non par âge.

Voici deux articles qui présentent le cas de deux collèges : Collège à Bordeaux  et Collège en Loire-Atlantique

Et deux Vidéos à voir absolument !

Bruno Gruyer Collège sans Classes et section Skate à Bordeaux: Voir la vidéo

Saint-Raphael, un collège sans classe et sans note : Voir la vidéo

 

* Les photos utilisées dans cet article ont été prises durant notre journée d’observation
L’article a été rédigé par Claire Roussel, assistante d’éducation et présidente de l’association IMAGO.

N’hésitez pas à commenter et donner votre avis sur notre article.

Comments

  1. Devenir un adulte équilibré et heureux…. c’est plus facile lorsqu’on a été un enfant équilibré et heureux. Et visiblement ces écoles l’ont bien compris !

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